211 research outputs found

    Immédialité intra-active et intermédialité esthétique

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    Yves Citton, « Immédialité intra-active et intermédialité esthétique » à paraître en traduction italienne dans la Rivista italiana d'estetica en 2017 Yves Citton Immédialité intra-active et intermédialité esthétique Les définitions habituelles de l'intermédialité et de l'interactivité présupposent de confortables séparations : il y a des sujets humains (artistes ou spectateurs) qui font porter leur attention sur des objets esthétiques (images, textes, sons) – les questions étant de savoir si ces objets passent d'un medium à l'autre (inter-médialité) et si les sujets spectateurs sont reconnus comme jouant une part active dans la production desdits objets (inter-activité). Dans tous les cas, on est dans un entre-deux qui postule et respecte une certaine extériorité séparant la sphère des objets de celle des sujets. Au pire, on ne sait plus nommer de quel medium différencié il s'agit, ou on ne sait plus distinguer entre les producteurs et les récepteurs de l'oeuvre. Même si l'on parle d'entre-deux (inter-), l'oeuvre reste sagement d'un côté, et nous de l'autre. J'aimerais réfléchir ici à une autre forme d'intermédialité et d'interaction – où ce sont nous, les sujets humains, qui sommes dans l'espace inter-médiaire. Nous n'y sommes plus en face d'images à produire ou à contempler, nous ne sommes plus devant des media qui entremêlent leurs différences génériques : nous sommes dedans, immergés dans les circulations médiatiques – in medias res mediaticas – dans un état à la fois parfaitement banal et parfaitement traumatique d'im-médialité. Nous sommes bien « entre » les media, mais au sens où l'on se trouve marcher « parmi » une foule en mouvement : au milieu d'elle et largement fondu en elle et par elle. Alors que l'inter-activité préserve l'individualité des sujets dont elle occasionne le renversement des rôles, on est ici partie prenante de phénomènes que Karen Barad a qualifiés d'intra-actions : c'est tout un agencement dont nous faisons partie qui agit sur lui-même à travers nous ; nous sommes l'un des inter-médiaires de cette intra-action. Le renversement des rôles est alors bien plus inquiétant : nous devenons images, tandis que les images deviennent sujets. On parle souvent dans ces cas d'« illusion » – terme qu'il faut entendre dans le sens fort (et ubiquitaire dans le monde social) que lui a donné Pierre Bourdieu : l'illusio est le jeu (-ludus) dans (in-) lequel je suis pris bien au-delà de mon contrôle, tout en sachant que je suis en train de jouer. Dans quelle mesure un médiartivisme reste envisageable au sein de cette immersion illusoire dans l'immédialité, et dans quelle mesure une autre définition de l'intermédialité esthétique peut y jouer un rôle – c'est ce qu'essaiera d'éclaircir cet article

    Literary Attention: The Hairy Politics of Details 

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    International audienceWhat can literary studies bring to our experience? The fact that many scholars, on both sides of the Atlantic, have recently felt the need to address this question is usually interpreted as a symptom of a " crisis " in the literary profession. Less students, less jobs, less attractiveness, less impact, less prestige: the study of literature seems bound to follow the path taken by the study of theology during the 19 th century. Against this background feeling of gloom and doom, the steady flow of manifestoes in favor of literary studies often sounds overblown by wishful thinking. Literary interpretations, as performed in the classroom, are supposed to ground, shape and expand our moral consciousness, set the foundations for an alternative to the suicidal logics of global capitalism, and/or provide an affordable gymnastics training us to become successful among the young sharks of the creative class… Such contradictory and overambitious goals have provided an understandable backlash among more realistic, cautious or cynical colleagues.Phil Watts never indulged in theoretical or programmatic gesturing. As a teacher, as a scholar, as a member of faculty committees, as a departmental chair, he was well aware of the challenges faced by our profession. As a reader and as a thinker, he eagerly followed the debates about the constant reconfiguration of our discipline—and his interest in Jacques Rancière and Roland Barthes bears witness to his profound engagement with literary theory, in its connection with intellectual history and political philosophy. But, to my knowledge, he never attempted directly, openly and frontally to intervene in the theoretical discussions about the evolution and the future of our profession.This may be due to his profound humility: there is an inherent arrogance in the theoretical mode of discourse, which went against the grain of his self-effacing persona. But I believe it is also due to a deeper form of wisdom and intelligence. Phil understood that the best way to defend the study of literature was to actually perform it, rather than merely to preach it. As a teacher, as a scholar, as a family man and as a community member, he taught by example, rather than by admonition or reproach. The best thing we can do to defend, improve and expand our practice of literature is to follow his example

    Traiter les données : entre l'économie de l'attention et le mycélium de la signification

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    International audienceDans la surabondance de données mises à notre disposition par l'informatisation de nos sociétés, comment parvenir à filtrer les quelques éléments pertinents nécessaires à nourrir nos réflexions et inventions à venir, tout en parvenant à laisser en arrière-fond la masse écrasante de données sans pertinence ? Le problème tient à ce que la définition même des pertinences ne préexiste pas aux données. Elle est en partie issue des nouvelles données elles-mêmes, ce qui conduit à affoler toutes nos boussoles. La question centrale peut donc se formuler de la façon suivante : comment " traiter " les données (nouvelles) sans que ce traitement ne neutralise leurs virtualités émergentes ? Autrement dit : comment concevoir une " multiversité " assez ouverte et accueillante pour être " créative ", sans pour autant se dissoudre dans le multiple d'une diversité amorphe ? On peut aborder cette question en esquissant trois pistes superposées

    Imitation inventrice et harpe éolienne chez André Chénier : une théorisation de la productivité par l'Ailleurs

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    À travers quels mécanismes psycho-poétiques l'Ailleurs vient-il féconder une tradition nationale ? Comment l'époque qui sert de charnière entre les Lumières et l'âge romantique a-t-elle figuré ces mécanismes ? Que suggère la diffusion même de ces figurations dans l'espace européen quant aux frontières réelles et imaginaires entre les traditions nationales ? On ira chercher de quoi éclairer ces questions chez un auteur français éminemment paradoxal qui, avec le recul de deux siècles, paraît à la fois excentré et pivotal dans la séquence qui va de Denis Diderot à Victor Hugo. La lecture des textes poétiques et critiques d'André Chénier a de quoi rebuter le lecteur contemporain en lui apparaissant comme un tissu de contradictions symptomatiques de l'impasse esthétique dans laquelle s'est engagé le néo-classicisme. Quoi de plus paradoxal que de fonder une théorie de l'invention sur la pratique de l'imitation ? Quoi de plus absurde que de vouloir chanter la modernité et les droits de l'homme à travers des scènes de Muses faisant leur cour à Apollon sur les flancs du Permesse ? Quoi de plus ridicule qu'un " patriote " chantant la Révolution française sous les accoutrements de dieux grecs

    Subjectivations computationnelles à l’erre numérique 

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    International audiencePour le meilleur comme pour le pire, nos divers appareillages numériques s'entremêlent de façon toujours plus complexe et toujours plus intime dans les replis de nos subjectivités. C'est une banalité de dire qu'ils induisent de nouvelles façons de s'orienter dans un monde désormais truffé de senseurs (capteurs, caméras, puces RFID, satellites). Chacun de nos plus petits gestes (cliquer, zapper, sourire, cligner des yeux, sortir d'une autoroute) produit désormais des traces instantanées, inscrite dans les flux de big data dont des machines de computation tirent des ajustements en temps réels. Une inimaginable puissance de recombinaison envahit ainsi des sphères jusque-là protégées de nos modes de collaboration, de nos pensées et de nos désirs. Un « inconscient technologique » structure en sous-main les grammaires de nos échanges quotidiens, sans que nous nous intéressions assez aux boîtes noires d'où émanent les si brillantes lumières du monde numérique. Cette majeure essaie justement d'y voir un peu plus clair. Comment subjectivation et computation riment-elles désormais si souvent ensemble

    Le style comme filtre. Économie de l'attention et goûts philosophiques

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    International audienceLes phénomènes de style, loin de relever de la simple " ornementation ", sont à situer au coeur même de ce qui oriente et dirige nos évolutions sociétales. Voilà ce que suggèrent, dans des " styles " de parole très différents, deux publications récentes, qui n'ont rien en commun quant à leurs origine, leurs supports, leurs présupposés ou leurs visées - sauf de permettre, prises dos à dos, d'esquisser les deux faces complémentaires d'une même puissance des phénomènes stylistiques. Richard A. Lanham, professeur émérite de littérature à l'Université de Californie à Los Angeles, a non seulement publié divers ouvrages (savants ou pratiques) sur la stylistique anglaise, mais il a aussi mis à profit son expertise de rhétoricien comme consultant dans le cadre de procès hollywoodiens touchant à des questions de propriété intellectuelle. Le site de son entreprise de consultance, Rhetorica Inc, explique (au stylisticien en attente de poste universitaire) comment se faire payer (royalement) pour visionner (trois fois) des séries complètes de shows télévisés, pour comparer (de près) des ouvrages sur l'orgasme féminin et sur les pratiques sexuelles en groupe - afin d'expertiser qui a plagié quelle idée, quel argumentaire, quelle description, quelle tournure de phrase, quel tic de langage, quel mot, à qui, et en quelles proportions

    Le réseau comme résonance : présence ambiguë du spinozisme dans l'espace intellectuel des Lumières

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    L'article qui suit propose une réflexion, assez abstraite, sur le mode d'existence assignable à un courant de pensée. Si le " spinozisme " partage avec le " cartésianisme " ou le " rousseauisme " l'implication que quelque chose unit et rassemble un certain nombre de penseurs autour d'un certain nombre de principes communs, les particularités de sa diffusion nous forcent toutefois à affronter des problèmes théoriques que l'histoire d'autres " -ismes " laisse généralement dans l'ombre. Quelle est exactement la nature de cette " chose qui unit et rassemble " ceux que l'histoire de la pensée tente de grouper sous de telles étiquettes ? On ira chercher du côté de philosophes ultérieurs (Gabriel Tarde et Gilbert Simondon) quelques outils conceptuels qui nous permettront d'éclairer rétrospectivement une nouvelle conscience de la vie intellectuelle - dans sa dimension fondamentalement collective, ou plus précisément " transindividuelle " - qui se met en place dans les modélisations de la pensée proposées par l'époque des Lumières. En distinguant entre " écoles " et " mouvements ", en s'efforçant d'imaginer le réseau à partir de la notion de résonance, on essaiera de caractériser ce qui a pu constituer l'une des spécificités du milieu intellectuel des Lumières dans le développement à long terme de quelque chose ressemblant à un espace public

    L'invention du spinozisme dans la France du XVIIIe siècle

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    Que peut donc vouloir dire " être spinoziste " dans la France des Lumières ? Les catégories traditionnelles de l'histoire des idées me semblent largement incapables de répondre à cette question. Le modèle qui leur est sous-jacent reste celui de l'influence : un auteur du XVIIIe aurait lu les textes de Spinoza, il aurait adhéré au système (ou à tel ou tel de ses aspects définitoires), et nous pourrions aujourd'hui " reconnaître " dans telle ou telle citation une trace de cette adhérence, sous la forme d'échos répétant à quelques décennies de distance une idée " originellement " formulée par le philosophe hollandais. En posant la question en terme d'influence, on est donc amené à privilégier les contacts directs, les rapports de continuité, les citations et les références explicites, les accords de principes, les convergences conscientes - tout cela à l'intérieur d'un cadre théorique implicite qui oppose "l'originalité" de la source influençante à "l'imitation" de la part l'auteur influencé

    Une machine utopique à tordre le droit : justice, spectacle, métissage et ironie dans Le Manuscrit trouvé à Saragosse

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    Les scènes de réveil sous le gibet constituent sans doute l'élément narratif le plus frappant et le plus connu du Manuscrit trouvé à Saragosse. On en retient généralement la dimension fantastique (lieu de contact entre le monde des morts et celui des vivants), une esthétique de l'horreur (les cadavres en décomposition), des résonances psychanalytiques (la petite mort sur laquelle débouche l'étreinte sexuelle) ou encore des fonctions narratologiques (la répétition obsédante de la même scène avec substitution de personnages différents). J'aimerais en observer ici un aspect moins souvent relevé, qui inscrit ces scènes sur le plan d'une réflexion sur la justice et le droit qui traversera tout le roman : le gibet des frères de Zoto apparaît en effet et (aussi) comme un tréteau sur lequel est exhibée une sanction légale, portée par une institution juridique, qui condamne à mort des individus jugés comme criminels au regard d'une certaine conception du droit et de la justice. Qu'est-ce que le Manuscrit, au fil de ses tours et de ses détours multiples, nous invite à penser du droit, de la loi, de la norme morale et de la justice ? Voilà un questionnement qui mériterait sans doute un livre à lui tout seul, dont je me contenterai, dans les pages qui suivent, d'esquisser quelques pistes qui ne pourront être, au mieux, que suggestives. Je commencerai par recenser sommairement quelques-uns des épisodes du roman touchant directement à l'imaginaire du droit et à la problématisation de la justice, avant de proposer une interprétation plus globale de l'attitude éthique générale que le Manuscrit tend à induire chez son lecteur

    Rousseau et les physiocrates : la justice entre produit net et pitié

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    International audienceOn connaît la définition donnée par Jean-François Lyotard de la condition postmoderne : faute de pouvoir croire aux grands récits d'émancipation universelle qui ont dynamisé la modernité (progrès de la raison civile, affranchissement du prolétariat), notre époque en serait réduite à un culte aveugle de la pure efficacité visant, dans tous les domaines de la vie sociale, à minimiser les coûts et maximiser les profits. Et dans la mesure où "le critère d'opérativité est technologique", c'est-à-dire sans pertinence pour "juger du vrai et du juste", il en résulterait une profonde crise de légitimité, où serait à chercher la spécificité de notre époque historique. Une éthique moins prédatrice du rapport à autrui va-t-elle émerger spontanément de la course à la productivité qu'agence la compétition du marché? Ou est-ce seulement en résistant aux tendances inhérentes à cette course que l'on pourra imposer une structure sociale plus juste? En d'autres mots : la justice est-elle un (sous-) produit du marché libre (comme le défendent les disciples d'un Hayek)? Ou implique-t-elle au contraire l'asservissement de ce marché à une logique extérieure qui en limite le fonctionnement et la portée (comme l'ont soutenu depuis longtemps les partisans d'une "économie morale", ressuscités aujourd'hui en dénonciateurs de l'"horreur économique")
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